Les apiculteurs sont très en colère et il y a de quoi. La mortalité de masse des colonies d'abeilles est toujours aussi catastrophique. Ils demandent notamment au gouvernement un plan d'urgence pour les apiculteurs et l'interdiction de tous les pesticides nuisibles aux insectes pollinisateurs.
Les apiculteurs sont vent debout pour défendre les abeilles et alarmer sur la gravité de l'effondrement des colonies.
Mais la mortalité des insectes pollinisateurs ne concerne pas uniquement les apiculteurs : elle nous concerne tous. Leur travail de pollinisation est essentiel pour la survie de la biodiversité ; pour que les fruits et les légumes que nous consommons au quotidien puissent pousser. Sans abeilles, pas de fruits et légumes, pas de fleurs... C'est un enjeu vital pour toute l'humanité.
Le modèle agricole doit changer
Les apiculteurs se sont réunis jeudi 7 juin pour une journée de mobilisation nationale. Le ministère de l'agriculture leur a promis un état des lieux pour recenser la mortalité sur l'ensemble du territoire, afin "d'expertiser les dispositifs d'accompagnement les plus adaptés". Une proposition bien insuffisante du ministre de l'agriculture Stéphane Travert, considéré par les apiculteurs comme étant aux ordres de la FNSEA (principal syndicat agricole favorable à l'agriculture conventionnelle) et de l'industrie de l'agrochimie. Le modèle agricole actuel, basé sur les pesticides, la monoculture, la destruction des prairies, des haies, des arbres... est incompatible avec la survie des abeilles.
Les apiculteurs racontent tous la même triste histoire. La perte d'une part importante, voire de la totalité de leurs ruches. Un chiffre qui démontre bien la gravité de la situation : selon l'UNAF (syndicat des apiculteurs), la production de miel en France est passée de 32 000 tonnes en 1995 à 10 000 tonnes en 2017.
L'exposition aux pesticides des abeilles les tue, ou les affaiblit, ce qui rend la colonie plus sensible au développement de maladies. Les insecticides néonicotinoïdes sont les molécules les plus toxiques pour les abeilles. Mais ils ne sont pas les seuls, le cocktail de produits chimiques présents sur les parcelles agricoles et dans tout l'environnement pouvant leur être néfaste.
Quelques maigres avancées 20 ans après
Le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, conscient de la situation, est venu rendre visite aux apiculteurs présents hier place des Invalides. Mais quelle est sa marge de manoeuvre ? Des avancées sont tout de même présentes et elles émergent de Bruxelles. La Commission européenne a interdit 3 néonicotinoïdes (insecticides responsables de la mortalité des abeilles), avec des dérogations possibles jusqu'en 2020.
Une décision qui arrive très tardivement, les apiculteurs ayant commencé à signaler les mortalités des abeilles il y a plus de 20 ans. Et il reste encore bien d'autres molécules présentes sur le marché et toujours utilisées, considérées comme dangereuses pour les abeilles. Tous les insectes en payent les conséquences, le nombre d'insectes volants étant en chute libre en Europe, avec des conséquences en chaîne sur la biodiversité, notamment sur les oiseaux qui s'en nourrissent.
"Au fond, nous sommes des témoins gênants. Les abeilles sont des indicateurs de la biodiversité. C’est la vie qu’on met en danger en répandant des molécules nocives sur le marché et dans la nature. Nous sommes les témoins d’une dégradation générale de l’environnement causée par ces produits. Les insectes et les oiseaux disparaissent en silence. Nous écouter, nous entendre, nous accorder raison, ça veut dire changer de modèle agricole français" a déclaré aux journalistes du Monde l'apicultrice Marie Giorgi. L'État français est-il prêt à changer le modèle agricole ? Les récentes décisions du gouvernement sur le projet de loi Agriculture et Alimentation plutôt pencher pour l'inverse.
