En juillet 2014, s’est tenu en Nouvelle-Calédonie, le sommet Océania 21 : enjeux et solutions aux changements climatiques des îles du Pacifique Sud. Lors de ce forum, les îles se sont engagées à parler d'une seule voix et à agir de façon coordonnée, sur des programmes conjoints, dans le domaine de la gestion des déchets, des énergies renouvelables, de l'agriculture, de l’eau, de la diversité et de la gestion des océans.
Par Christine de Casabianca-Minot
Le Sommet Océania 21 a été considéré comme une étape capitale sur le chemin qui mènera à la 21ème conférence des parties, à la convention cadre des Nations unies, sur le climat à Paris « COP 21 » en 2015.
Quatre thématiques ont été traitées :
1- la protection et la valorisation des océans
2- le développement des énergies renouvelables
3- la gestion et la valorisation des déchets
4- l'agriculture en milieu durable et la préservation de la ressource en eau.
Un point précis retient mon attention aujourd'hui : « Nous, peuple de l'océan, fort de nos valeurs culturelles et identitaires, réunis à Nouméa… s'engageant à formuler un plan régional de développement concerté d'une filière pilote d'élevage d'holothuries, s'appuyant sur une coopération les iles Tuvalu, Vanuatu, Samoa , Tonga , Nouvelle-Calédonie et tout autre pays océanien intéressé ; en développant des données en libre accès, nous proposons la mise en commun public d'un maximum de données scientifiques, économiques, sociales, environnementales et administratives, animées via des observatoires de données en s'appuyant sur l'existant (des projets pilotes). »
Vous l'aurez donc compris, je vais vous parler d'un de ses projets pilotes, qui concerne l'élevage de l’holothurie aussi appelée concombre de mer, bèche de mer et rori, en Polynésie. Les calédoniens, toutes ethnies confondues l’appellent « biche de mer ». Appellation bien surprenante, pour un animal si peu attirant !
C'est un invertébré marin, ayant l’apparence d’un gros boudin noir ou marron, d'une trentaine de centimètres, très prisé depuis toujours par les Asiatiques (6000 tonnes importées par Hong Kong chaque année). Vendue séchée, pour être consommée ou utilisée pour ses vertus médicinales ou pour augmenter la longévité.
Vous comprendrez rapidement, qu'elle est donc menacée par la surexploitation, étant récoltée en milieu naturel sur les zones côtières.
Les concombres de mer sont des éléments importants dans la chaîne alimentaire : en filtrant le sable donc l'eau du lagon, le concombre de mer est une barrière naturelle contre le développement de certaines bactéries .En consommant et broyant sédiments et matières organiques en fines particules, en se déplaçant, ils retournent les couches supérieures des fonds marins, favorisant ainsi la pénétration de l'oxygène. On pourrait ainsi les nommer « vers de terre de mer… » !
Dans certaines zones où la pression de la pêche a entraîné la disparition des concombres de mer, un durcissement du fond de l'océan a été observé, éliminant ainsi l'habitat d'autres espèces. Nous voyons donc l'importance de ce projet pilote en Nouvelle-Calédonie, pionnière dans la création d'une ferme d'élevage lui permettant d’élever, produire et commercialiser cet invertébré, diversifiant ainsi ses activités aquacoles jusqu’à présent basées sur l’élevage de la crevette.
L’holothurie H. scabra fait l’objet d’une attention toute particulière pour deux raisons:
• C’est un produit d’export, à haute valeur commerciale
• Son élevage pourrait avoir des capacités de bio remédiation des milieux aquacoles existants ou proches des effluents de fermes de crevettes.
Il sera donc, intéressant de suivre la progression de ses élevages, leur impact sur l'environnement, sur les populations (créations d’emplois et de ressources) et aussi sur les habitudes alimentaires des calédoniens, peu ou pas consommateur de cet animal.
L’Europe semble le découvrir et le priser à l'instar des Espagnols qui ont commencé à se délecter de ces étranges créatures marines (mises en saveur par des grands chefs de Barcelone), ainsi que par l'industrie pharmaceutique, cosmétique. Au Canada, le concombre de mer remplacerait le pétoncle dans les pêcheries… mais ça c’est un autre sujet… !