La Commission européenne s'est prononcée favorable au retour des farines animales dans l'alimentation des poissons d'élevage et l'envisage pour les porcs et volailles. Une décision ubuesque en plein scandale de la viande de cheval.
Au coeur de la polémique de la traçabilité de la viande européenne, découvrant des pratiques des industriels fournissant de la viande de cheval en lieu et place de viande de boeuf, la Commission européenne vient de prendre une décision incroyable.
L'Europe souhaite autoriser de nouveau l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des animaux d'élevage. Cette décision concerne l'aquaculture dès le 1er juin 2013, et Bruxelles projette de nourrir les volailles et les porcs avec ces protéines animales transformées (PAT) à l'horizon 2014.
Le spectre de la vache folle
La farine animale contient des carcasses broyées et des restes de viandes animales. L'utilisation de cette farine avait infecté les bovins, entre 1986 et les années 2000, par l'encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle. Des centaines de milliers de vaches et boeufs, infectés par cette maladie mortelle, ont été abattus en Europe.
En 1996, cette maladie se transmet à l'homme sous la forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob : 204 victimes ont été officiellement recensées en Europe. Un scandale sanitaire sans précédent, aboutissant à l'interdiction de l'utilisation de ces farines animales pour l'alimentation des bovins en 1997, cette pratique étant de surcroit inconnue du grand public.
Nourrir les poissons avec du cochon
La volonté de ressortir du chapeau les protéines animales transformées provient à l'origine d'un problème de ressources halieutiques. Victimes de la surpêche, ces dernières se raréfient et le prix de la farine de poissons utilisée dans les fermes aquacoles augmente sans cesse.
Les farines animales issues de restes de carcasses de porc et de volailles sont bon marché. Les industriels de l'agroalimentaire jurent qu'ils n'utiliseront que des carcasses d'animaux abattus pour la consommation humaine pour leur farine. Et promettent l'absence de cannibalisme : les porcs seront nourris avec des carcasses de volailles et les volailles avec des carcasses de porcs.
Peut-on faire confiance à l'industrie agroalimentaire ?
Selon les experts européens, la maladie de la vache folle est quasiment éteinte. Il n'y aurait pas de risque sanitaire en nourrissant les poissons avec des protéines animales transformées. Les européens ne semblent pas de cet avis. Et l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s'était prononcée contre la réintroduction des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage en 2011.
Comment faire confiance à l'industrie agroalimentaire, bien plus concernée par ses bénéfices financiers que par le souci d'offrir une alimentation de qualité aux consommateurs ? Vache folle, OGM, agriculture intensive utilisant massivement des pesticides, utilisation d'antibiotiques et d'hormones de croissance sur les animaux, vente de viande de cheval à la place du boeuf... La liste des aberrations environnementales et sanitaires de l'industrie agroalimentaire est longue.
La France veut un label "sans farine animale"
La ministre de l'écologie Delphine Batho a été interrogée sur le sujet. "J'en pense le plus grand mal, et d'ailleurs la France, au travers de Guillaume Garot et Stéphane Le Foll, s'est prononcée contre lors du processus de discussion interne à l'Union Européenne" a-t-elle déclaré.
"Ce n'est pas dans le logique de la chaîne alimentaire que de donner de la viande à manger à des poissons" a ajouté Delphine Batho. La ministre veut un label "sans farine animale" de la filière piscicole afin de certifier au consommateur français : "le poisson que vous achetez n'a pas été nourri avec de la viande".