Christian Ottin-Pecchio est architecte dans le Var. Son créneau? La construction bioclimatique. Son but ? Intégrer au mieux ses constructions dans leur environnement, pour leur faire profiter des apports énergétiques naturels en présence et limiter leur impact environnemental.
Annabelle Alix : Qu’est-ce que l’architecture bioclimatique ?
Christian Ottin-Pecchio : L’architecture est contextuelle. On pourrait la comparer à la cuisine internationale : certains plats sont universels, et d’autres sont locaux. L’architecture bioclimatique tient compte de ce que lui offrent les ressources naturelles locales, et s’adapte au terrain de la construction. L’exposition au soleil et aux vents sont des paramètres à prendre en compte pour optimiser l’utilisation et la gestion des énergies naturelles.
La composition de l’habitation s’adapte ensuite aux dispositions du « programme » du client (à son cahier des charges). Les matériaux utilisés pour la construction sont divers : il faut jouer avec leur inertie, et avec leur capacité à stocker l’énergie pour pouvoir l’utiliser ensuite. Par exemple, les chalets savoyards d’autrefois étaient construits en pierre : les murs s’imprégnaient de la chaleur dégagée par le poêle, jusqu’à conserver cette température après son extinction.
A.A : Dans le cadre d’une construction bioclimatique, quels sont les matériaux à privilégier ? Quels sont ceux à éviter ?
C. O-P : Le bois est l’un des matériaux privilégiés : la laine de bois permet un bon stockage de l’énergie. Lorsqu’on poursuit un objectif de développement durable, les matériaux les plus coûteux en termes de fabrication (transformation, transport, ...), sont à éviter. C’est le cas du ciment et de l’acier. La prise en compte du coût de transformation est de plus en plus intégrée dans les esprits, tout comme le coût de revient au long terme : certains matériaux sont par exemple plus cher à l’achat, mais rapidement rentabilisés par leur capacité de stockage qui permet de réduire les dépenses en chauffage. Aujourd’hui, on commence à analyser l’investissement en tant que coût global.
A.A : Quelle est votre clientèle ?
C. O-P : Ma clientèle est principalement composée de particuliers, qui font appel à moi pour la construction de leurs résidences principales ou secondaires. J’interviens dans un rayon relativement proche de mon lieu de travail, afin de pouvoir assurer correctement le suivi des projets et être le plus réactif possible en cas de problème. La production artisanale implique une vigilance particulière et un contact régulier avec le chantier.
En France, le recours à l’architecte n’est pas un automatisme. Il est perçu comme coûteux. Pourtant, l’économie financière qu’il permet de réaliser par le biais d’une construction bien conçue est énorme. La valeur ajoutée obtenue dépasse largement le pourcentage des honoraires de l’architecte. D’autant que ceux-ci sont modulés en fonction du revenu des clients.
A.A : En optant pour l’architecture bioclimatique, vous avez choisi un créneau dans l’air du temps. D’après vous, comment votre profession va-t-elle évoluer à l’avenir ?
C. O-P : L’architecture est en train de quitter la culture de l’artisanat, pour celle de l’entreprise. Aujourd’hui, nous avons les moyens de construire des habitations à partir de panneaux fabriqués en usine, qui sont posés directement sur les fondations : une telle structure peut se monter en six jours. Les constructions sont donc plus rapides, et mieux anticipées hors du site. La filière s’organise, ce qui génère un gain de temps sur le chantier, et une diminution de son coût global. D’ici trois ou quatre ans, Ikéa proposera d’ailleurs des maisons en kit, comme c’est déjà le cas pour les meubles...