Une vente de produits chimiques non contrôlés… C’est le projet étudié par l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA). Elle propose de remplacer le test requis sur les produits chimiques, par une dose d’exposition tolérée fixe. Et ce en application d’une étude nommée « Seuil de Préoccupation Toxicologique » (SPT) très controversée.
« Un adulte pourrait manger en toute sécurité 90 microgrammes d’un produit chimique tous les jours durant sa vie entière. » C’est ce qui pousse l’approche SPT à proposer la mise sur le marché de produits chimiques à une dose d’exposition « tolérée », sans nécessité de contrôle préalable.
Selon l’association de défense de l’environnement Générations Futures, ce système est dangereux. Car les études qui le fondent ne sont « pas récupérables » et donc pas vérifiables, explique l’association dans un communiqué. Elles proviendraient de l’industrie, et le niveau de toxicité qu’elles présentent comme étant « sécuritaire » serait à relativiser…
De faibles doses sans dangers ?
Selon Générations futures, « des doses jusqu’à 7500 fois plus faibles de produits chimiques perturbateurs du système endocrinien ont été révélées toxiques par des études indépendantes. » Le docteur Halimi, président de l’association Santé Environnement de France (ASEF), va plus loin. « Aujourd’hui, on ne raisonne plus en termes de « doses », déclare-t-il. « Cela ne correspond à aucune vérité médicale. On reconnaît que des micro-doses médicamenteuses puissent ne pas être inoffensives. Pourquoi en serait-il autrement des produits chimiques ? » s’interroge-t-il. En l’état des connaissances actuelles, ASEF et Générations Futures s’accordent donc pour dire que la valeur NOEL (No Observable Effects Limit : dose en-dessous de laquelle il n’y a pas d’effet), sur laquelle repose la méthode SPT, est erronée. « Cette valeur revient par ailleurs à affirmer que nous sommes tous pareil », remarque le docteur Halimi. Or les enfants sont par exemple beaucoup plus vulnérables face à l’absorption de substances chimiques. « L’approche SPT est fondée sur un modèle qui ne correspond pas à la réalité », conclut le président de l’ASEF.
Le docteur Halimi reproche également à l’approche SPT de ne pas prendre en compte « l’effet cocktail ». « Elle fait abstraction des mélanges chimiques auxquelles les humains sont exposés », explique Générations Futures, dans son document explicatif. « Elle permet à un produit chimique d’utiliser tout «l'espace de la pollution» dans l'alimentation humaine, en ignorant complètement l'exposition des humains à des centaines d'autres produits chimiques nocifs chaque jour. »
Une approche orientée, aux dangers multiples
Fin de « l’approche danger » interdisant notamment la génotoxicité des produits chimiques, extension ultérieure probable de l’approche SPT aux produits chimiques inconnus, augmentation du seuil de toxicité de l’eau potable légalement admis, les dangers que présente l’approche SPT sont nombreux. Elle permettrait même à une grande majorité de pesticides d’accéder au marché sans avoir été testés. « La dose journalière acceptable proposée par l’approche SPT dépasse les normes officielles », indique « Générations Futures », dans son document explicatif.
En conclusion, adopter l’approche SPT, « c’est aborder les choses en se plaçant du côté du polluant, » estime le docteur Halimi. « Cette approche sert uniquement à obtenir un accès illimité au marché pour les produits chimiques, » conclut également « Générations Futures. » Tout en indiquant qu’ « il n'est pas dans les attributions de l'EFSA de travailler sur la gestion des risques ». « Ce travail est une ingérence inacceptable de l’agence, » affirme l’association.