Le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et Areva ont dissimulé entre 14 et 31 kilos de plutonium au sein d'enceintes de confinement d'un atelier en cours de démantèlement. Ils ont mis 5 mois à avertir l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) de cet "oubli".
L'ASN vient de dresser un procès verbal et de suspendre les opérations de démantèlement d'un Atelier de Technologie du Plutonium (ATPu) à Cadarache, qui produisait du combustible Mox pour des réacteurs nucléaires.
L'incident est considérable et classé au niveau 2 de l'échelle de gravité des événements nucléaires (qui comporte 7 niveaux).
Le CEA a informé l'ASN de la "sous-évaluation des dépôts de plutonium" dans des accès aux enceintes de confinement de l’installation.
"Evalués à environ 8 kg pendant la période d’exploitation de l’installation, les dépôts récupérés à ce jour sont, selon le CEA, de l’ordre de 22kg et le CEA estime que la quantité totale pourrait s’élever à près de 39 kg" explique l'ASN.
L'inspection de l'ASN a permis de confirmer que le CEA avait connaissance de ce dépôt de plutonium depuis le mois de juin.
L'équivalent de 6 bombes atomiques
Le réseau Sortir du Nucléaire rappelle qu'une telle quantité de plutonium représente l'équivalent de 6 bombes atomiques.
Un tel "oubli" a conduit à réduire fortement les marges de sécurité pour prévenir "un risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaîne" lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit, selon l'ASN, qui ajoute que les conséquences pour les travailleurs "peuvent être importantes".
"Nous estimons que la découverte, à Cadarache, de plusieurs kilos de plutonium ayant échappé à tout inventaire constitue une des situations les plus graves et les plus critiques que l’on ait pu rencontrer dans une installation nucléaire depuis longtemps. C’est tout simplement hallucinant" déclare Yannick Rousselet, responsable de la campagne Énergie/Nucléaire à Greenpeace France.
Pour Greenpeace, cela signifie qu’Areva et le CEA reconnaissent leur incapacité à gérer leur plutonium, dont quelques grammes suffisent à déclencher un cancer mortel des poumons.
Le ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo a déclaré que "l’exigence de transparence doit être absolue en matière de sûreté nucléaire et qu’il regrette profondément qu’un tel délai se soit écoulé entre la découverte de cette situation et sa déclaration".
"Cette transparence et cette exigence de sécurité sont les conditions incontournables de la fourniture d’électricité d’origine nucléaire. Elles seront respectées" a-t-il ajouté.
Les scandales s'enchaînent dans le nucléaire
Cet incident intervient deux jours après la diffusion d'une enquête sur les déchets nucléaires, qui révèle qu'Areva ne disposant pas de la technologie pour enrichir l'uranium de retraitement expédie ce dernier à 8 000 kilomètres au fin fond de la Sibérie, un transport à très haut risque.
108 tonnes sont envoyées tous les ans depuis les années 70 dans une ville "secrète" baptisée Tomsk 7 fermée aux journalistes et aux étrangers. Les russes enrichissent cet uranium pour qu'il redevienne combustible.
L'enquête nous apprend que seuls 10 % de cet uranium peut être enrichi : les 90 % restant d'uranium appauvri restent en Russie, stockés sur un parking à ciel ouvert, sans aucune protection.
Ce documentaire rappelle également que de nombreux rejets radioactifs dans la mer et dans l'air sont effectués à l'usine Areva de retraitement de La Hague : l'environnement est très largement contaminé et les risques du stockage des déchets radioactifs en piscine, procédé le moins coûteux adopté à La Hague, sont particulièrement élevés.