L'ADEME vient de rendre une étude partielle sur les biocarburants de première génération. Malgré le mauvais bilan de cette première génération, le gouvernement se lance dans le financement d'énormes projets de biocarburants de deuxième génération.
L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) a rendu public une étude très attendue sur les agrocarburants (appelés également biocarburants).
Cette analyse du cycle de vie des agrocarburants, réalisée par le bureau Bio Intelligence Service, met en avant la disparité en termes d'émissions de gaz à effet de serre ou de consommation d'énergie des agrocarburants en fonction des cultures utilisées pour leur production.
L'éthanol issu de canne à sucre détient le meilleur bilan, avec 90 % d'émissions de gaz à effet de serre de moins comparativement à l'essence, et des économies d'énergie de près de 80 % par rapport à la filière du pétrole.
Les carburants issus du colza, du tournesol, de l'huile de palme et du soja ont un résultat variant de 60 % à 80 % d'économie en termes d'émissions et d'énergie.
La filière ETBE d'éthanol provenant de la betterave, du blé et du maïs n'atteint quant à elle que le très faible résultat de 20 % de réduction de gaz à effet de serre.
Une étude incomplète, des bilans qui peuvent être catastrophiques
La baisse des émissions de gaz à effet de serre et les économies d'énergie ne sont pas les seuls facteurs qui déterminent le caractère écologique des agrocarburants. Les conséquences environnementales des pesticides pulvérisés dans les champs des cultures, le phénomène d'eutrophisation de l'eau dans les milieux aquatiques provoqué par le phosphore et l'azote des engrais chimiques utilisés et la déforestation notamment, doivent être pris en compte.
L'impact des agrocarburants sur les changements d'affectation des sols n'est pas inclut dans l'étude. "Les effets observés au travers des simulations peuvent être très pénalisants, tant pour les biocarburants d’importation que pour les biocarburants produits à partir de ressources agricoles produites en France" reconnaît l'ADEME.
"On peut avoir des émissions deux à quatre fois supérieures du fait du changement d'affectation des sols : on peut alors parler de bilans catastrophiques" explique Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l'ADEME, faisant référence notamment à l'huile de palme produite sur le sol d'anciennes forêts tropicales.
Le scandale des agrocarburants
A propos de cette étude, France Nature Environnement (FNE) estime que "les calculs proposés restent grossiers et ne visaient qu’à donner un ordre d’idée potentiel des effets que pourraient prendre ces éléments dans les bilans en balayant des scénarios très contrastés". Des incertitudes qui doivent être levées selon FNE, qui condamne "l'impasse environnementale" des biocarburants.
30 millions d'euros viennent d'être accordés (dont 7 millions au groupe Total, au coeur de nombreux scandales) pour lancer un projet de production d'agrocarburants de deuxième génération.
"Il n’est pas acceptable que l’Etat accorde des millions d’euros à une société ultra bénéficiaire qui a démontré son peu de respect pour l’environnement pour produire des agrocarburants" déclare le porte-parole de FNE Arnaud Gossement.
"Il n’est pas acceptable de foncer tête baissée dans la production d’agrocarburants de 2ème génération sans évaluation environnementale complète et sans aucun débat public. Nous demandons au Gouvernement de revenir sur cette décision. Ne pas le faire serait un scandale" s'insurge-t-il.
Au-delà de l'incohérence écologique des agrocarburants, ils représentent un sérieux risque pour la sécurité alimentaire mondiale, enlevant des millions de tonnes de denrées de base du marché alimentaire mondial. Selon la FAO, la demande croissante de cultures destinées aux biocarburants (sucre, maïs, oléagineux) continue de faire augmenter les prix des denrées alimentaires, responsables de la crise alimentaire mondiale.