Didier Cannet, Médecin et Responsable de missions à Médecins du Monde, nous donne sa vision sur l'aide au développement française et européenne à destination de l'Afrique.
Humanitaires, nous observons dans de nombreux pays Africains, que l’état de santé des populations ne cesse de se dégrader depuis quinze ans. L’Afrique subsaharienne ploie sous le fardeau des maladies infectieuses et parasitaires, principalement le paludisme, les diarrhées, la tuberculose et le Sida. La crise alimentaire mondiale, ne fait que renforcer cette situation.
Nous voyons quatre raisons principales à cette baisse de l’état de santé en Afrique :
- Les guerres : dans la dernière décennie, vingt des quarante deux états subsahariens connurent des conflits. Les taux de mortalité les plus élevés au monde sont dans ces pays en guerre. Ils ne sont pas le plus souvent la conséquence de mort violente, mais liés à la réduction de l’accès aux soins et à la santé.
- Le poids de la dette : dans les années 80, le fond monétaire international impose des politiques d’ajustement structurel, afin d’aider les pays du Sud à rembourser leur dette. La logique de marché, issu du consensus de Washington, prédomine dans ce type d’aide au développement. Elle a aggravé les inégalités sociales et elle a contribué à réduire l’accès à la santé et à l’éducation
- Les richesses des pays ne bénéficient pas à toutes leurs populations, et sont souvent à l’origine des conflits, comme c’est le cas actuellement à l’Est du Congo. Au Gabon, riche par son pétrole, ses mines et sa forêt, le niveau des indicateurs de développement est bas .Il en est de même pour la Namibie, le Botswana, l’Angola etc.
- La mondialisation de l’économie semble inadaptée au développement de l’Afrique : « le système économique mondial est aveugle à toute autres considérations que le profit", déclare le prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus. En 2006, il lance au Bangladesh le microcrédit, qui pourrait contribuer à l’éradication de la pauvreté et à la lutte contre les inégalités en Afrique.
L'Union Européenne est le plus important bailleur pour l’Afrique. Mais cette aide nécessite de s’inscrire dans une politique de développement globale et cohérente, en partenariat avec les gouvernements et les sociétés civiles des pays concernés. L’immigration ne doit en être qu’un volet. Elle doit répondre en priorité aux besoins des populations et à leurs droits fondamentaux que sont la santé, l’eau, l’alimentation et l’éducation.
Une aide de la France en baisse, une Europe sans politique.
L’aide française au développement est prioritairement affectée à l’Afrique. Elle a diminué de plus de la moitié en dix ans. Plus grave encore la France trahit sa promesse d’augmenter progressivement le montant de l’aide publique au développement en faveur des pays pauvres, qui chute de 0,47 % du PIB en 2006 à 0, 39 % en 2007 (rapport action for global Heath).
Nous sommes à une période charnière, où la France tente de sortir de son « pré carré » et de se détacher des caricatures de la « Françafrique ». Elle doit construire sa politique Africaine sur de nouvelles bases et s’en donner les moyens.
Quant à l’Europe, chacun s’accorde à dire qu’elle n’a pas pour l’instant de politique à la hauteur de ses contributions financières.
La France a une responsabilité particulière envers l’Afrique, héritée de son histoire et des valeurs universelles qu’elle a contribué à forger.
Elle doit agir de façon conjointe, au travers du plaidoyer et du financement à deux niveaux :
- celui du bi latéralisme. Elle doit respecter ses engagements et apporter une aide au développement accrue (objectif d’atteindre 0,70% du PIB d’ici 2012), en particulier dans le domaine de la santé et de l’éducation, associé à un investissement économique. Les Etats Unis, la Chine, l’Inde et le Brésil ont compris l’intérêt à investir massivement en Afrique,
- celui du multi latéralisme au travers des institutions et bailleurs internationaux et Européens.
La France, pilier historique de la construction Européenne, doit convaincre les vingt-sept de lancer cette politique Africaine Européenne, en vue d’une « co-opération » rénovée. Les Gouvernements et les organisations des sociétés civiles Africaines avec qui nous travaillons, sont prêts à l’accueillir.
Didier Cannet
Médecin
Responsable de missions à Médecins du Monde